JEUNE DE YOM KIPPOUR ET GROSSESSE

Dr Claude ALLOUCHE, gynécologue obstétricien Kippour ia
Clinique Ahuza, Raanana, Israel, 058 726 02 64

Chaque année avant chaque jeûne mes patientes enceintes ou allaitantes me demandent si elles peuvent ou doivent jeuner.
Il s’agit d’une question plus religieuse que médicale mais comme le judaïsme et la médecine ne sont pas incompatibles, je me suis penché sur les halakhot en tant que gynécologue juif.
Évidemment la réponse ne pourra pas être simple et tranchante car comme toujours dans notre religion il existe des discussions entre les décisionnaires…

Voici les quelques lignes directrices qui s’en dégagent:
 
Il faut déjà savoir que tous les jeûnes n’ont pas la même importance : ceux de Kippour et Tisha b’Av semblent les plus importants, alors que pour les autres jeûnes comme celui du 17 tamouz, du 10 tevet ou du jeun d’Esther, les femmes enceintes en sont plus facilement dispensées.

Pour le jeûne de Kippour comme pour celui de Tisha bé’av, une femme enceinte, allaitante ou qui a fait une fausse couche
- DOIT JEÛNER
- mais uniquement SI ELLE S’EN SENT CAPABLE 

Chacun devra être sincère envers lui-même pour savoir s’il doit jeûner ou pas.

Certains considérent que le confort contemporain comme la climatisation et les mesures hygieno-dietetiques  permettent de mieux supporter le jeûne (ne pas prendre d’aliment salé la veille, bien s’hydrater avec du jus de raisin, de la pastèque, du melon, des fruits juteux)

- Si elle se sent mal, ou ne sait pas comment elle va le supporter, elle commencera le jeûne et aux premiers symptômes de faiblesse, elle sera autorisée à manger, sans pour cela demander à un Rav. Cela concerne également les femmes enceintes de moins de 3 mois.

- Si elle a un doute sur son état de santé par rapport au jeûne, elle demandera à son médecin et s’il ne peut se prononcer, selon l’avis des décisionnaires les plus stricts, elle commencera le jeûne et dès le moindre symptôme de fatigue ou de faiblesse, elle mangera avant que les symptômes ne s’aggravent.
- Certains rav font la différence 
- En cas de maladie, elle devra impérativement manger et boire.

Mais il existe plusieurs avis. Ainsi, selon le Rav N. E. Rabinovitch :

a. Avant 20 semaines d’aménorrhée, une femme enceinte doit commencer à jeûner mais dès qu’elle ne se sent pas bien, ou a des vomissements, peut boire selon “leshiourim”.  (expliqué plus bas)

b. Après 20 semaines d’aménorrhée, elle doit boire selon “leshiourim”, dès le début du jeûne.

c. Une femme qui allaite (même partiellement) - boit “leshiourim” dès le début du jeûne, afin que la production de lait ne cesse pas.

d. Travail, perte des eaux ou saignement - boit sans limites.

e. Si dans tous ces cas la boisson ne suffit pas, il sera permis de manger, mais également dans les limites, “leshiourim”.

- Une femme accouchée est dispensée du jeûne dans les 7 jours qui suivent son accouchement, ce délai est porté à 30 jours selon certains rabbanimKippour et grossesse

Pour d’autres:
- La femme allaitante est dispensée du jeûne si
     * le bébé refuse un lait de substitution
     * elle s’aperçoit pendant le jeûne qu’elle n’a plus suffisamment de lait,
 Elle sera autorisée de boire et de manger sans limite afin de nourrir son enfant.
     * son bébé est malade, même sans danger et dont le médecin lui a dit que le jeûne engendrera chez l’enfant une quelconque faiblesse ou que le lait s’arrêtera, elle sera autorisée à manger pour son bébé, le strict nécessaire.

 

Si on doit s’alimenter à kippour, comment le faire?

Selon « LéShiourim », les « mesures »

Durant le jeûne de Yom Kippour, toute consommation est interdite, peu importe la quantité. 
Lorsqu’une personne est exemptée du jeûne pour des raisons médicales, comme nous l’avons vu plus haut, les Sages ont permis de boire ou de manger par «mesure ». Ces mesures sont régies par deux critères essentiels:

1/ La quantité :

Il s'agit du volume maximal autorisé pour chaque prise de nourriture ou de boisson. Cette quantité est soigneusement définie selon la Hala’ha et doit être respectée avec précision.

- Pour la boisson, la quantité doit être moins de 'melo lugmav', c'est-à-dire, la quantité qui, si on remplit une joue d'eau, la fait paraître pleine de l'extérieur. 
Pour une personne de taille moyenne, cette mesure est comprise entre 40 et 45 ml
Cependant, comme cette mesure est déterminée individuellement selon la taille corporelle de chacun, il est recommandé avant le jeûne, de mesurer en remplissant sa bouche d'eau, puis en la vidant dans un verre. On marquera ensuite sur le verre la moitié de cette quantité - c'est la quantité maximum qu'il est permis de boire.

- Pour la nourriture, la quantité doit être inférieure à une 'kotevet'. En termes modernes, cela équivaut à un volume de 30 cm³ par prise. Cette mesure correspond à un volume de 30 ml d’eau
Pour établir un point de repère, il s’agit d’un volume de nourriture qui remplit une petite boîte mesurant 2,5 cm de large, 3 cm de long et 4 cm de haut.
Si cette mesure de prise de nourriture n’est pas suffisante, il faut consulter un Rav.

2/ L'intervalle de temps entre chaque prise
C'est la durée minimale qui doit s'écouler entre deux consommations successives. Cet intervalle a été établi par nos Sages afin d’éviter que de petites quantités ne s’additionnent et ne soient considérées comme un « repas » apaisant la faim.

Cet intervalle doit être d’au moins 9 minutes entre chaque prise.
Pour une personne dont l'état de santé nécessite de manger plus régulièrement sans pouvoir respecter les intervalles de temps prescrits, il est possible de réduire l'intervalle entre les prises de boisson à 6 minutes.
Si même cet intervalle réduit ne suffit pas à répondre aux besoins, il est impératif de consulter un Rav qui pourra évaluer en détail la situation médicale spécifique et ainsi décider de réduire davantage les intervalles entre les prises.

 

Lorsqu’il n’y a plus besoin de boire “leshiourim”, il faudra arrêter de boire, puisque chaque boisson est un nouvel acte ; selon la halah’a on ne considère pas, à Kippour, que le jeûne a été “cassé”, l’obligation de jeûner persiste si on est en bon état de santé.

Il est préférable dans ces cas où il est permis de boire, de consommer une boisson nourrissante, sucrée, tel du jus naturel ou du lait par exemple

Ces recommandations ne s’appliquent que pour le jeune de Yom Kippour et pas pour celui du 9 av où si l’on doit s’alimenter il n' y a pas de probleme halakhique de boire et de manger normalement et et pas par  petites quantites...

 

Bon à savoir

Qu’est-ce qu’une femme enceinte ?

Selon la gmara le foetus n’est reconnu qu’à partir de 3 mois de grossesse, La femme ne pourrait donc être retenue comme enceinte qu’à partir de ce terme.
Le problème c’est que tous les petits symptômes de grossesse comme les nausées et les vomissements apparaissent bien avant et peuvent justement gêner la réalisation du jeûne.
Ainsi certains rabbanim qui estiment que nos générations sont beaucoup plus faibles qu’autrefois, 
considèrent que la grossesse peut être reconnue dès 40 jours, date à laquelle  selon la mishna d’il y a 2000 ans , la formation du foetus est terminée et le fœtus est considéré comme vivant avec une neshama; Et cela correspond parfaitement aux données actuelles de l’embryogénèse et de la visibilité échographique de l’activité cardiaque.

 

Qu’est-ce qu’une femme allaitante?
Selon la Gmara une femme est considérée comme allaitante dans les 24 mois qui suivent la naissance, même si elle a arrêté l’allaitement bien avant; 

car d’après la halakha, 2 ans sont nécessaires pour que la femme récupère après le « choc » de l’accouchement; donc pendant ce délai il appartient à la femme elle-même de decider si elle peut faire ou se dispenser des jeûnes du 17 tamouz 10 tevet ou Esther, en fonction de son ressenti.


En résumé, beaucoup de bon sens dans toutes ces directives qui donnent la priorité à la santé de la mère de l’enfant:
- On ne jeûne pas en cas de maladie associée qui pourrait s’aggraver à cause du jeûne (diabete, hypertension, perte de poids..)
- Quand on ne sait pas, on demande à son médecin
– S’il ne sait pas, on commence le jeûne et on se réalimente dès les premiers symptômes de faiblesse s’ils apparaissent
- On ne jeûne pas si on vient d’accoucher il y a moins de 7 jours (ou de 30 j)
- Pour l’allaitement on ne jeûne pas si cela risque de le stopper à cause de la quantité du lait ou si cela risque de mettre en danger le bébé ou la maman.

Sources:

https://www.torah-box.com/halakha-time/une-femme-enceinte-qui-allaite-doit-elle-jeuner_7018.html/1

https://www.lejudaisme.org/les-femmes-enceintes-ou-allaitantes-pour-le-jeune-de-ticha-beav/

https://hevratpinto.org/halakha/jeune_9_av_04.html